Décès : Hichem Rostom ne joue plus

L’un des comédiens les plus élégants et distingués du cinéma tunisien, est décédé le 28 juin 2022 à Tunis, après avoir marqué de sa silhouette racée, des films de premier plan, et d’horizons multiples.

 

Hichem Rostom, né à La Marsa en 1947, hérite de ses ancêtres de Turquie et du Caucase, un regard de braise perçant et un charme efficace. Il s’intéresse vite au théâtre et participe à la première création du Centre culturel de Hammamet, Othello de Shakespeare, en 1964. Puis il part en France pour se perfectionner au jeu d’acteur à l’université de la Sorbonne et à l’Institut Des Hautes Etudes Cinématographiques. Outre des prestations pour Radio France, à Paris, il participe à l’animation du Théâtre National Populaire de Villeurbanne.

L’appel de la Tunisie est impérieux lorsque Nouri Bouzid lui propose le rôle titre de sa fiction poétique et politique, Les Sabots en or, 1988. Ce personnage hanté par son passé, qui tente de retrouver sa place dans la Tunisie de l’époque, propulse l’acteur au sommet. Il continue avec Taïeb Louhichi pour Layla, ma raison, 1989, joue le prince racé et décadent, imaginé par Moufida Tlatli dans Les Silences du palais, 1994, enchaîne avec Essaïda de Mohamed Zran, 1997, campant un peintre en quête d’inspiration qui contribue au succès populaire du film en Tunisie.

 

Par IssamBarhoumi — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=45317921

Hichem Rostom aligne des personnages marquants du cinéma tunisien pour Taïeb Louhichi  (Noces de lune, 1998, L’enfant du soleil, 2014), Ridha Behi (La Boîte magique, 2002, Fleur d’Alep, 2015), Moufida Tlatli (Nadia et Sarra, 2004). Il collabore avec la nouvelle génération d’auteurs en Tunisie comme Nidhal Chatta (Zéro !, 2014), Mokhtar Ladjimi (Dicta Shot, 2015) mais sa palette de jeu transcende les frontières. On le voit en France dans L’aile ou la cuisse de Claude Zidi, 1976, en Algérie dans Vent de sable de Mohamed Lakhdar-Hamina, 1982, et même dans Isabelle Eberhart de Ian Pringle, 1991.

Il se transforme pour Le Nombril du monde de Ariel Zeitoun, 1993, ou Le Patient anglais de Anthony Minghella, 1997, grand succès qui accroit sa renommée à l’international. De Paparazzi du Français Alain Berberian, 1998, à Whatever Lola wants de Nabyl Ayouch, 2008, en passant par Le Soleil assassiné de l’Algérien Abdelkrim Bahloul, 2003, Hichem Rostom diversifie ses rôles au cinéma sans cesser de tourner dans des séries télés populaires tunisiennes comme Café Jalloul de Lottfi Ben Sassi et Imed Ben Hamida, 2005, ou Maktoub de Sami Fehri, 2008 puis 2014, et tant d’autres jusqu’à 27 de Yosri Bouassida, 2020.

 

Les Français l’emploient aussi volontiers dans des téléfilms, des séries comme Josée Dayan pour La guerre des privés, 1994, Le Comte de Monte-Cristo, 1998, ou L’instit de Gérard Klein, 2004. Il intéresse également les productions de la télévision pour les Marocains avec Sir El Morjane, 2016-2017, les Italiens et d’autres nationalités. La diction impeccable du comédien aussi bien en arabe qu’en français, est un atout majeur. Son sourire carnassier et son regard font mouche. C’est que Hichem Rostom se glisse avec élégance dans la peau de personnages très divers où il sait être convaincant, séduisant, détaché ou inquiétant.

Que ce soit à la télévision, à la radio, sur les planches, l’acteur multiplie ses apparitions en gagnant une notoriété et des distinctions méritées. Son apport au développement du cinéma et de la télévision en Tunisie est prépondérant. Impliqué dans des ateliers et des mises en scène de théâtre, il est aussi toujours ouvert aux propositions des cinéastes d’autres cultures qui exploitent son jeu ténébreux et charmeur. L’attention portée à ses interlocuteurs en privé, sa simplicité pour gérer ses succès, contribuent à la grande humanité de l’artiste. Sa sensibilité, visible dans ses interprétations, s’imprime durablement dans les images.

 

 

 

Michel AMARGER

Afrimages / Média France – 30 juin 2022

Author: Michel Amarger

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