La Nuit des rois : déployer les jeux de pouvoirs en Côte d’Ivoire

La relève du cinéma ivoirien repose sur les images de Philippe Lacôte. Adepte d’une approche ambitieuse, étayée par le documentaire, Chroniques de guerre en Côte d’Ivoire, 2008, ou la fiction, Run, 2014, sélectionné au Festival de Cannes, Philippe Lacôte continue d’explorer la violence et le pouvoir dans son pays. Et La Nuit des rois, 2020, présenté aux festivals de Venise, Chicago ou Busan, défend les couleurs ivoiriennes aux Oscars 2021. C’est une coproduction pilotée de France où réside Lacôte, avec la Côte d’Ivoire, le Canada et le Sénégal, qui mêle les récits, les époques et le spectacle.

On suit l’arrivée d’un jeune voleur à la prison d’Abidjan, la MACA. Le chef des prisonniers, Barbe Noire, affaibli par la maladie, le choisit comme conteur selon une tradition en vigueur, lors de la lune rouge. Rebaptisé Roman, le conteur doit enchaîner le récit jusqu’au jour ou être tué s’il ne captive pas l’auditoire. Barbe Noire voit en Roman, une diversion qui lui permet de temporiser alors que les prétendants à sa succession s’agitent, s’opposent, que ses forces diminuent.
Roman s’inspire du sort de Zama King, chef cruel d’un gang de « microbes », les mineurs délinquants, finalement lynché par la population. La nuit est longue et les prisonniers à vif, alors il revient aux sources des parents de Zama King, puisant dans une épopée royale antique, des ressources imaginaires pour tenir en éveil les prisonniers. Parmi eux, des « joueurs » interprètent ses récits par des chorégraphies tendues. Barbe Noire s’éclipse, Roman s’affirme, les violences culminent.

La Nuit des rois emprunte son titre à la pièce de Shakespeare pour mieux « peindre un monde d’intrigue et de lutte pour le pouvoir à l’intérieur de la prison », selon Philippe Lacôte qui embrase son histoire par la superstition, le rituel lié à la lune rouge, l’extension du conte puisé dans Les Mille et une nuits. Au centre du récit, la MACA, fameuse prison surpeuplée en banlieue d’Abidjan, est un espace clos où les prisonniers se déplacent librement. Les souvenirs d’enfant du réalisateur, venu y visiter sa mère, opposante et cofondatrice du FPI de Laurent Gbagbo, incarcérée là, assurent la véracité de l’ambiance électrique restituée.
« Je me suis appuyé sur les codes du film de genre de prison, mais ce qui m’intéressait, ce n’était pas forcément le portrait des conditions de vie des prisonniers », explique Lacôte, soucieux d' »aller au plus près des croyances ». Alors il développe ce rituel où Roman est l’élu, chargé de raconter des histoires sous peine d’être exécuté. « J’ai rajouté la dimension dramatique de la mort », relève le cinéaste en témoignant d’une pratique en vigueur à la MACA.

 

lire la suite sur le site africine.org

Author: Michel Amarger

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