Peu de cinéastes ont encore approché l’exploitation du coltan en République Démocratique du Congo. Et pourtant ce pays, qui possède près de 70% des ressources mondiales, est l’objet de toutes les attentions, de toutes les convoitises, secoué par les troubles au cœur d’une région stratégique.
Le cinéaste français Jean-Gabriel Leynaud, familier de cette zone, a investi un village congolais pour concevoir un documentaire de proximité sur le sujet : Le sang et la Boue, 2024. Actif comme directeur photo sur plus de 60 productions audiovisuelles pour le cinéma, la télé ou la publicité, Jean-Gabriel Leynaud est aussi l’auteur d’une quinzaine de documentaires depuis Place de la République, 1994, qui l’a révélé à 19 ans.
Après avoir tourné une vingtaine de films en Afrique, comme opérateur, il s’intéresse particulièrement à la région de Grands Lacs où il a réalisé cinq films. Il y aborde le volcan qui menace Goma, le braconnage des animaux protégés, les guerres qui persistent après le génocide des Tutsis au Rwanda. Lorsqu’il découvre le village de Numbi en cadrant The Enemy de Karim Ben Khelifa, une expérience de réalité virtuelle, il décide d’y concentrer les thématiques qu’il a déjà explorées, en réalisant Le Sang et la Boue.
Numbi est un petit village sur les montagnes du Sud-Kivu. Des hommes, des femmes, des enfants extraient le coltan dans des conditions précaires. Ce sont les creuseurs qui fournissent un négociant, celui-ci va vendre leur produit, trié, à une société privée en ville. Cette dernière l’achète à bas prix pour alimenter des fonderies en Chine, ou d’autres pays d’Asie, voire en Occident. Le coltan sert à produire des alliages précieux, des circuits électroniques pour les téléphones, les ordinateurs, et il est devenu très prisé. Son prix est décidé par des acheteurs étrangers, très loin de la RDC.
Sur place, Numbi vit sous la menace du groupe armé M 23, constitué d’officiers rebelles, soutenus par le Rwanda. Il se rapproche et les accrochages entre miliciens, soldats, trafiquants, motivent l’instabilité et la peur. « Le documentaire n’est pas une enquête géopolitique mais une immersion dans le quotidien des villageois et leurs rêves« , prévient Jean-Gabriel Leynaud. « Il suit des personnages clés – mineur, épouse, enfant, prostituée, ancien rebelle, instituteur, porteur…- qui font circuler le coltan de main en main. »