La sensualité et le romanesque qui s’épanouissent dans le cinéma tunisien se perpétuent sous la caméra de Leyla Bouzid. Appréciée avec son premier long-métrage, A peine j’ouvre les yeux, 2015, qui capte l’image de la jeunesse tunisienne à travers les visions d’une chanteuse engagée, elle retourne son objectif pour saisir les émois d’un jeune homme coincé dans Une histoire d’amour et de désir, 2020. Cette fiction, retenue à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes 2021, pose et expose la question des sentiments entre deux Maghrébins qui se rencontrent en France. A Paris, là où le film est produit.
Ahmed est un Français d’origine algérienne, grandi en banlieue parisienne. Intériorisé et plutôt timide, il se passionne pour la littérature arabe du XIIème siècle en suivant des études de lettres à la Sorbonne. C’est là qu’il tombe sur Farah, une Tunisienne pleine d’énergie qui arrive dans la capitale pour poursuivre ses études supérieures. Ahmed est irrémédiablement séduit mais il freine son attirance par pudeur et réserve. L’exploration de la littérature arabe, pleine de sensualité, suggestive, ouvre de nouveaux horizons à Ahmed en le rapprochant de Farah.
Avec son titre explicite, Une histoire d’amour et de désir s’attache à la naissance du sentiment et de l’attirance charnelle en réglant son focus sur le héros masculin. Ahmed trouve la manière de cultiver son univers intime en lisant et en étudiant à la fac. « La question de sa place dans cet espace et de sa légitimité à ses propres yeux se pose », relève la réalisatrice en faisant du garçon, né en France, un homme coupé de sa langue et de sa culture algérienne que ses parents, émigrés pour fuir la décennie noire, ne lui ont pas transmis.
À l’opposé, Farah « entretient un rapport direct à sa culture d’abord tunisienne, puis arabe », selon Leyla Bouzid. « Si elle vient en France, c’est parce qu’elle en a fait le choix ». En opposant les origines de ses protagonistes, la cinéaste croise leurs trajectoires et illustre la variété de situations des Maghrébins. « Je voulais redonner de la pluralité et de la diversité au sein de ceux qui composent « la communauté maghrébine » en France », explique Leyla Bouzid, montrant des personnages aux options différentes autour des héros.