LM Fiction de Sana Na N’Hada, Guinée Bissau / France / Portugal / Angola, 2023
Sortie France : 13 mars 2024 (Distribution : The Dark)
par Michel Amarger
Peu de fictions sortent de Guinée Bissau pour éclairer les écrans de cinéma. Celles de Flora Gomes ont enchanté les années 90 et Sana Na N’Hada a marqué avec Xime en 1994. Après des documentaires et une fiction sur des gangs qui bouleversent la vie d’une île de l’Archipel des Bigajos, Kadjike, 2013, le réalisateur s’est engagé brièvement dans le gouvernement de Guinée Bissau comme secrétaire d’Etat, en 2015. Puis il s’est investit dans l’Association Cadjigue pour la défense de la culture des Bigajos avant de revenir au cinéma de fiction avec Nome.
Le film est retenu dans la sélection de l’ACID au Festival de Cannes 2023. C’est une plongée dans le passé pour ce cinéaste, engagé avec des collègues par Amilcar Cabral pour filmer les combats des années 60 contre les Portugais afin d’obtenir l’indépendance. Depuis qu’elle est survenue, après 1974 avec le changement de gouvernement au Portugal, la Guinée Bissau n’a pu profiter durablement de stabilité politique pour engendrer un mouvement national de cinéma. Mais Sana Na N’Hada a puisé dans les images tournées à l’époque, la matière vive pour réveiller la mémoire et réfléchir à l’évolution du pays avec Nome.
Nome enterre son père, joueur de bombolong [tambour, ndlr] du village, à la fin des années 60. Il doit perpétuer la tradition puis il tombe sous le charme de la fille de son oncle, venu aider la mère de Nome dans sa case. Quand elle se retrouve enceinte, le garçon part et s’engage dans les troupes de libération. Il gagne la confiance des soldats puis du galon tandis que la future mère part en ville avec un colporteur qui la parraine. Lors d’une attaque violente, elle accouche, perd connaissance, sa fille est récupérée par une infirmière du front.
La jeune femme, devenue muette, se retrouve dans un centre où officie l’infirmière sans identifier sa fille qu’elle croit perdue. La lutte s’achève lorsque les Portugais cèdent leur colonie. Nome revient au village puis s’installe en ville pour tirer parti du système qui se met en place, avec ses anciens compagnons d’armes. Le temps des compromissions arrive, du reniement et du profit condamnés par un ancien soldat. La Guinée Bissau se libère sans s’émanciper vraiment.