Des auteurs vivent le cinéma comme un terrain d’expérimentations aventureuses, de poésies visuelles. C’est pour ça qu’on a remarqué Lemohang Jeremiah Mosese dès ses courts-métrages puis For Those Whose God Is Dead, 2013, et son film performance, Mother, I Am Suffocating. This Is My Last Film About You, présenté à la Berlinale 2019. Servi par une image noir et blanc saisissante, il épouse le long cheminement d’un personnage portant un lourd fardeau, énonçant la fragilité et la force de l’âme africaine. On y entrevoit des paysages majestueux du Lesotho, petit pays enclavé dans l’Afrique du Sud. Un retour aux sources pour Lemohang Jeremiah Mosese, né au Lesotho, exilé en Afrique du Sud, établi à Berlin.
Le cinéaste qui a intégré la Realness African Screenwriters Residency, pépinière de talents sud-africains, a pu développer son goût de l’expérimentation. Il y rencontre les producteurs qui l’aident à continuer ses vues. « Je viens de l’école du cinéma underground », explique l’artiste. « Il est très rare d’avoir un producteur qui non seulement comprend, mais aussi apprécie ce genre de cinéma. » Ainsi il amplifie l’approche de son film précédent, faux documentaire mais vrai essai poétique, pour signer L’indomptable feu du printemps dont le titre original, This Is Not a Burial, It’s a Resurrection, est plus explicite.
L’histoire s’attache à la figure de Mantoa, doyenne d’un petit village du Lesotho, dévastée par la mort de son dernier fils, mineur en Afrique du Sud. Elle veut vénérer sa tombe mais la construction d’un barrage qui implique de submerger le village et la vallée, indigne la vieille dame. Mantoa refuse qu’on déplace les villageois. Elle veut défendre les terres mais surtout l’héritage spirituel de sa communauté. Elle entraîne les esprits à s’affirmer en acquérant une stature de légende tandis que les ouvriers du barrage progressent.
Le film puise son inspiration dans les paysages des hauts plateaux reculés, dont la vallée est menacée par les retenues d’eau qui servent à l’exporter vers l’Afrique du Sud, en causant l’exode des habitants. « Nous nous sommes battus avec les dieux de la nature pour pouvoir tourner », raconte le cinéaste, secondé par une équipe, du matériel, des véhicules, venus d’Afrique du Sud. En s’accrochant aux reliefs, Lemohang Jeremiah Mosese poursuit un autre objectif : « Pour moi, le paysage le plus poétique est celui de l’humain, de notre lutte constante pour nous réconcilier avec nos identités charnelles. »