LM Fiction de Dania REYMOND-BOUGHENOU, France, Belgique, Algérie, 2024
Sortie France : 20 novembre 2024 (Dist. : The Jokers Films)
Les incursions du fantastique sont rares dans les fictions inspirées par l’histoire algérienne. Alors quand Diana Reymond-Boughenou mêle l’approche du quotidien avec le surnaturel pour faire surgir les traces de la Décennie noire dans Les Tempêtes, 2024, son propos s’inscrit comme une rupture. La réalisatrice franco-algérienne, née à Alger, manifeste une inclination pour les genres de cinéma et les effets plastiques depuis qu’elle s’est formée à Marseille puis à Lyon avant d’intégrer le Studio du Fresnoy en 2011, pour explorer le langage audiovisuel.
Elle s’est signalée avec des films courts dont Le Jardin d’essai, 2016, ou Constellation de la Rouguière, 2021, remarqués dans les festivals internationaux. Alors, épaulée par une production française, des partenaires belges, et le soutien de producteurs algériens privés, elle a développé le scenario de son premier long-métrage, Les Tempêtes, avec Virginie Legeay et Vincent Poymiro. Elle y évoque à distance, les effets retours et les souffrances engendrées par la Décennie du terrorisme qui a frappé l’Algérie entre 1992 et 2002.
L’action est située dans un pays proche de la Méditerranée sans que la situation algérienne soit précisée. Pourtant le récit fait référence sans ambiguïtés à l’histoire du pays. On découvre l’enquête de Nacer, un journaliste sur les traces des intégristes quelques années après la vague de terrorisme qui a touché l’Algérie. Il approche l’un d’entre eux, désormais repenti, qui aurait tué sa femme Farja lors d’un faux barrage. Parallèlement des vents de sable jaune se lèvent dans certains endroits.
Le journaliste apprend qu’ils touchent des lieux où l’armée et les intégristes avaient leurs lignes de front. Le frère de Nacer qui opère à l’hôpital, soigne bientôt des patients qui ont vu des morts revenir près d’eux. C’est ce qui arrive à Nacer dont la femme revient quelques jours auprès de lui. Son frère côtoie lui aussi, des patients morts tandis que les tempêtes de sable jaune s’intensifient. Chacun doit se positionner dans cet environnement hostile qui recouvre les voitures, les maisons et les corps qui circulent.
Dania Reymond-Boughenou engage une réflexion qui évolue de l’enquête amorcée dans le quotidien et les souvenirs occultés, issus de la Décennie noire, pour basculer vers le fantastique et plus sûrement le symbolique. La poussière et le sable se soulèvent dans les zones frontières où les âmes des disparus sont intranquilles. Ils reviennent visiter les vivants d’aujourd’hui comme des corps tangibles, suggérant peut-être de ne pas oublier ceux qui ont subi les exactions des intégristes. Et la fiction propose de ressusciter l’histoire comme les morts.