LM Fiction de Tarik Saleh, Suède / France / Finlande, 2022
Sortie France : 26 octobre 2022
L’université mythique du Caire, Al-Azhar, haut lieu du pouvoir sunnite, sert de cadre et de moteur au nouveau film de Tarik Saleh. La Conspiration du Caire, prix du scénario au Festival de Cannes 2022, croise des jeux de pouvoir au cœur de l’université. Bâtie par les Fatimides, des musulmans chiites, au Xème siècle, elle devient une institution sunnite de premier plan sous l’impulsion de Saladin, au XIIIème siècle. Elle sait coexister avec l’occupation des Turcs, des Britanniques, des Français, tout en dispensant des études islamiques réputées.
Rassemblant 3 000 enseignants et 300 000 étudiants, cette université impressionne Tarik Saleh dont le grand-père a intégré Al-Azhar, et lui permet de croiser les influences dans une fiction, coproduite par la Suède, la France et la Finlande. Né à Stockholm de mère suédoise et de père égyptien, le cinéaste était graffeur en Suède avant de passer à la réalisation de documentaires, de fictions telles Tommy, 2014, et Le Caire Confidentiel qui le consacre en 2017. Il n’est pas le bienvenu en Egypte où les autorités n’apprécient pas son regard critique sur la police. La Conspiration du Caire (Boy from Heaven) revient pourtant sur la situation du pays.
On accompagne Adam, un fils de pêcheur qui obtient une bourse pour partir étudier à Al-Azhar. À peine Adam intègre l’université que le Grand Imam, le gardien tout puissant qui délivre des « fatwas » (« recommandations », en arabe), décède. Le Conseil des Oulémas doit élire un successeur tandis que le Chef de la Sûreté de l’Etat, dont le siège se trouve en face de Al-Azhar, s’inquiète que le nouvel élu partage bien les idées du régime. Ibrahim, vieil officier désigné pour s’en occuper, jette son dévolu sur Adam pour qu’il devienne son informateur. Les deux hommes commencent une relation compliquée qui se joue comme un affrontement tactique. Car Adam, que tous sous-estiment, s’initie peu à peu aux rouages du pouvoir.
En mêlant la pratique de l’islam au sein de l’institution religieuse, avec le pouvoir et la politique, Tarik Saleh emprunte la forme des récits qui découlent de cette religion. « Elle est pragmatique et elle utilise énormément d’histoires, de fables à des fins pédagogiques. J’ai grandi avec ces histoires », se souvient le cinéaste. L’action se noue autour de quelques personnages, représentatifs de leurs fonctions, en ménageant le suspens. Tarik Saleh cherche à « comprendre le pouvoir que représente le savoir, que ce soit en tant que force qui libère l’individu ou qui l’emprisonne ». Le Cheick aveugle avance sa stratégie tandis que Sobhy, le supérieur de Ibrahim, agit de manière directive.