LM Documentaire de Raoul Peck, France / Etats-Unis, 2024
Sortie France : 25 décembre 2024
Distribution : Condor Distribution
Il y a un bon moment que l’Haïtien Raoul Peck s’attache aux figures du monde noir, en exil ou réprimées. Après avoir saisi le profil du leader politique congolais Patrice Lumumba dans Lumumba, la mort d’un prophète, 1991, et suivi l’installation en France de l’écrivain américain James Baldwin pour I Am Not Your Negro, 2016, il braque son objectif sur le destin du photographe sud-africain Ernest Cole, réfugié aux Etats-Unis, en Suède, sans possibilité de retour.
Contacté par les ayants droit de l’artiste, né dans le Transvaal, Raoul Peck dispose des clichés de Cole dont il fait la matière première de Ernest Cole, lost and found, dévoilé lors des Séances Spéciales du Festival de Cannes 2024 où il décroche ex aequo, L’Oeil d’or du meilleur documentaire [avec Les Filles du Nil, coréalisé par Nada Riyadh et Ayman El Amir, Egypte, ndlr]. Et avec cette coproduction américaine, le réalisateur qui vit entre les États-Unis et la France, après avoir créé en Haïti et en Allemagne, amplifie sa réhabilitation de la mémoire du monde noir.
Le film s’appuie largement sur les photos de rues d’Ernest Cole. Le photographe, né en 1940, a connu le massacre de Sharpeville en 1960, les luttes des partisans de l’ANC et la discrimination impitoyable de la population noire. Menacé par les lois racistes, Cole cadre les gens à hauteur des yeux, en marchant pour éviter de se faire arrêter par la police. Prompt à saisir les regards caméras, il permet d’envisager ses sujets non comme des victimes mais comme des humains. Acculé par la pression de l’apartheid, il fuit à New York en 1966, emportant ses négatifs qui vont alimenter son livre phare, combinant ses clichés et ses écrits personnels, House of Bondage, paru en 1967.
L’impact de ce brûlot qui montre crûment l’apartheid lui vaut la reconnaissance et la notoriété. Cole fréquente des Sud-africains réfugiés comme Miriam Makeba. De prestigieux journaux publient ses photos tels Drum ou le New York Times grâce au soutien amical de Joseph Lelyveld. Mais quand Cole retourne son appareil photo vers la discrimination raciale qui sévit aux Etats-Unis, on lui tourne le dos. Il lâche prise, effectue des voyages en Suède, se retrouve sans domicile fixe, dort dans une gare, et finit par mourir d’un cancer en 1990, l’année où Nelson Mandela sort de prison. Mais l’histoire rebondit en 2017 avec la découverte de 60 000 négatifs dans une banque suédoise. C’est un trésor inespéré, déposé on ne sait par qui, témoignant des réalités ségrégationnistes vécues par les Noirs en Afrique du Sud et aux Etats-Unis à la fin des années 60.