C’est une surprise. Mauvaise. Affligeante. Une perte pour nos initiatives en faveur du cinéma. Clément Tapsoba s’éteint le 23 avril 2020, emporté par la maladie après avoir mené des combats impérieux pour faire reconnaître les cinémas d’Afrique sur le continent, et au-delà. C’était un compagnon de route. Nous étions de la même génération et notre attachement aux cinémas d’Afrique reste irrépressible.
Le goût du journalisme de Clément s’est affiné au fil du temps après s’être exercé dans les médias du Burkina. Mais c’est en assurant la direction de rédaction de la revue Ecrans d’Afrique, entre 1991 et 1999, qu’il se fait remarquer hors du Burkina. La revue, éditée par le COE en Italie, a été l’occasion d’une collaboration ouverte. Lui qui défendait avant tout l’expression d’une critique africaine, est devenu perméable à nos échanges, croisant le regard avec des critiques occidentaux comme moi et nos collègues impliqués dans la défense du 7ème art.
Nous avons bien avancé pour élargir l’assise de la revue en témoignant d’une belle époque pour les films d’Afrique. Clément Tapsoba a participé à nos ateliers lorsque le festival Racines Noires dont j’étais partie prenante, s’est tenu à Paris. Logiquement lorsque nous avons voulu créer la Fédération Africaine de la Critique de Cinéma en 2004, Clément a fait partie de l’aventure. Il été le président choisi par les collègues de la FACC jusqu’en 2008.
Clément Tapsoba aimait présider des associations. Il est l’un des instigateurs de l’ASCRIC-B en 2003 et il prolonge son action par des ateliers en son nom. Figure de proue de la critique au Burkina, il est plus visible par ses prises de position que par ses textes. Pourtant on lui doit un ouvrage de référence qu’il a coordonné pour célébrer les 50 ans du FESACO, en recueillant les contributions de confrères internationaux.
Réservé mais offensif, peu disert mais capable de faire partager ses passions avec diplomatie, Clément Tapsoba n’a pas cherché à plaire mais à s’affirmer. Devenu conseiller au FESPACO jusqu’en 2014, communicant pour la FEPACI, il intervient dans des écoles de cinéma comme l’ISIS à Ouagadougou ou l’ISMA à Cotonou. Homme de médias, discret sur son âge qu’il ne paraissait pas, Clément Tapsoba laisse un vide au Burkina. Sa disparition ne peut altérer notre aspiration à discuter et évaluer avec nos collègues, l’état et l’avenir des images africaines.
Michel AMARGER, Afrimages / Média France, 24 avril 2020