Déserts : s’inscrire dans les espaces marocains

LM Fiction de Faouzi Bensaïdi, France / Allemagne Belgique / Maroc / Qatar, 2023

Sortie France : 20 septembre 2023
Distribution France : Dulac Distribution

Des auteurs marocains aiment transgresser les espaces, sans les abolir. Se déporter vers le sud comme Ismael El Iraki avec Burning Casablanca (Zanka Contact), 2020, ou s’immerger dans le désert tel Faouzi Bensaïdi avec Déserts, présent à la Quinzaine des cinéastes au Festival de Cannes 2023.
Après avoir regardé la campagne dans Mille mois, 2003, les villes futuristes, WWW – What a Wonderful World, 2006, il détourne le polar pour Mort à vendre, 2011, explore les différences de classe pour Volubilis, 2017. Le réalisateur marocain est réputé pour glisser entre les genres avec élégance et un sens du décalage personnel.

Déserts s’attache à deux hommes, maladroits et solitaires, Mehdi et Hamid, chargés (par une agence de recouvrement à Casablanca) de récupérer l’argent de familles trop en dettes. Ils s’engagent hors de la ville pour dépouiller des gens aussi pauvres qu’eux. Vêtus de costumes vifs qui tranchent sur le décor et l’esprit de leur mission, Mehdi et Hamid gagnent le désert. Ils croisent la route d’un évadé qu’ils embarquent en voiture et celui-ci leur échappe pour vivre son histoire d’amour. Plus loin, des migrants cherchent leur chemin puis les accompagnent. L’histoire semble se dissoudre peu à peu dans la nature.
Le film est axé sur la déambulation des deux personnages typés, construits « tout en déconstruisant pour leur apporter plus de complexité », selon le cinéaste qui oppose les mêmes composantes d’une classe sociale défavorisée : « Les pauvres contre les pauvres : les deux mecs comme tous les employés sont en situation de précarité et ils sont envoyés à l’attaque de gens encore plus en difficulté qu’eux. C’est l’ubérisation du monde. » Une remarque qui n’empêche pas Faouzi Bensaïdi de s’écarter du réalisme comme il aime le faire.

« On a débuté par le burlesque construit autour de deux personnages et on s’imagine que tout le film se fera avec eux. Pourtant, ils deviennent secondaires, s’effacent et laissent place à l’évadé, et on s’évade avec lui vers le merveilleux, l’enchantement », commente le réalisateur qui a souvent recours aux ellipses pour dérouler son récit, en ajoutant : « J’aime que le surréalisme se superpose au réalisme. Qu’il naisse de ruptures. » Il passe alors de la comédie à une sorte de tragédie plus métaphysique en tissant les genres comme il le définit : « C’est une sorte de broderie. Mon cinéma est toujours allé dans cette direction. »
Après une première partie avec des plans symétriques où se glissent des détails qui en rompent le classicisme, la deuxième partie semble décomposer les éléments, comme un dérèglement qui permet à Bensaïdi de « nourrir cette incohérence qui est naturellement celle de nos existences ». C’est là que l’utilisation du Scope, inspirée par les westerns, trouve sa pleine puissance selon le cinéaste qui précise : « Le Scope me semblait presque naturel pour filmer le désert et cette histoire, avec sa dimension presque cosmogonique, ses immenses espaces. »

lire la suite sur le site africine.org

Author: Michel Amarger

Share This Post On

Submit a Comment

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.