L’acteur et conteur sénégalais Makena Diop nous a quittés discrètement, le 25 mars 2021. Pourtant la carrière mesurée de cet artiste réservé, l’a conduit à marquer de son empreinte des rôles forts pour des cinéastes africains de premier plan.
Sa formation théâtrale à Dakar, dans les années 70, oriente Makena Diop vers des rôles dramatiques pour Antigone de Sophocle, Caligula de Camus, Fusil de Patrice Ndendi Penda puis Le sauveur noir de Cheikhou Oumar Diong ou Les joies de la vie de Leroy Jones avec la compagnie le Négro Théâtre de Dakar. Entretemps, il cofonde la troupe Le Nouveau Toucan en 1978. Mais l’Office de Radiodiffusion Télévision du Sénégal l’attire et le remarque. Il y créé et commente la série d’émissions « Clefs littéraires » entre 1978 et 1980, avant que la France lui serve de tremplin pour le cinéma.
Makena Diop se révèle comme un acteur retenu dans Toubab Bi de son compatriote Moussa Touré en 1991. Entre Paris et Dakar, l’exilé est déraciné et regarde intensément. La collaboration se poursuit avec TGV, 1997, où Moussa Touré propulse Makena en conducteur de car rapide, au regard perçant et décidé, pour un drôle de périple vers la frontière. L’acteur se déploie alors avec des auteurs ambitieux. Le Haïtien Raoul Peck lui offre le rôle de Kenza dans Lumumba, 2000, le Malien Cheikh Oumar Sissoko lui confie le personnage principal de Battù, 2000, Zeze Gamboa d’Angola, le dirige en vétéran handicapé dans Un héros, 2004, qui lui vaut des prix d’interprétation.
Le comédien sénégalais fait corps avec le premier court-métrage de sa compatriote Diana Gaye, Une femme pour Souleymane, 2001, en France, et tient le haut de l’affiche pour des productions françaises comme Souli de Alexander Abela, 2004, situé en pays malgache, Rêves de poussières de Laurent Salgues, 2007, tourné au Burkina Faso, ou européennes tel Voyage au Portugal de Sérgio Tréfaut, 2011. Dans ces fictions internationales, Makena Diop assure avec dignité des êtres aricains déstabilisés, émouvants. Des prestations sensibles qui font regretter que l’acteur pudique et réservé, n’ait pas été plus employé dans d’autres registres.
Mais Makena reste un conteur prolixe et réfléchi. Formé au Conservatoire de Dakar, il se frotte à la mise en scène de spectacles basés sur des contes sénégalais. Ses expériences des années 80, sont inspirées par l’observation de la rue, en lien avec l’hôpital psychiatrique de Fann, à Dakar, où Henri Colomb expérimentait une thérapie croisant la psychiatrie occidentale, les pratiques traditionnelles africaines en relation avec des sessions d’expressions théâtrales.
Makena Diop joue et conte mais il participe aussi à la collecte des histoires traditionnelles pour le Centre d’études des civilisations et les Archives culturelles du Sénégal. Cet investissement et ses actions motivent Makena à se produire en public tout en animant des ateliers de spectacle vivant, financés par la Commission Européenne dans les années 80. Puis en 1999, il développe le concept des « Cinés contes », moments partagés autour de la projection d’un film, court ou long, qu’il accompagne en racontant des histoires avec la complicité d’un musicien venu d’Afrique ou d’un autre continent.
Son répertoire s’élargit sous l’égide de l’association Racines Noires à Paris. Il s’agit pour l’artiste, de pratiquer « de l’image au verbe, une manière de dire le monde noir ». Makena Diop s’affirme alors comme un passeur, médiateur entre les images du cinéma et l’art de la tradition orale, de la musique africaine. Sa voix découpée et précise, se lie avec les films et les sons. L’audience de ces prestations scéniques déporte Makena des rôles au cinéma. Entre la France où il se base durablement et le Sénégal où réside une partie de sa famille, l’artiste tisse des liens tenus mais permanents.