LM Documentaire de Yolande Zauberman, France, 1987
Nouvelle sortie France : 20 septembre 2023, version restaurée en 4K
Distribution : Shellac Distribution
Avec le temps, on aurait tendance à oublier l’oppression engendrée par l’apartheid, imposé en 1948 dans l’Afrique du Sud, aboli tardivement en 1991 par le gouvernement de Frederik De Klerk. La restauration en 4K de Classified People, réalisé en 1987 par Yolande Zauberman, dans les dernières crispations du système ségrégationniste, vient à point pour rafraîchir les consciences. Cette production française avait fait forte impression dans les festivals internationaux. Elle permet aujourd’hui une évaluation distanciée de la violence d’un système aux échos écrasants.
Yolande Zauberman débutait dans la réalisation avec ce film plein d’émotions, tourné en Afrique du Sud. Une entrée dans le monde du cinéma confirmée par Caste criminelle, 1989, puis un virage vers la fiction avec Toi Ivan, moi Abraham, 1993, Clubbed to Death, 1996, La Guerre à Paris, 2002. Des récits pour libérer la parole, retourner les tabous, comme dans d’autres essais documentés tels Paradise Now : journal d’une femme en crise, 2004, ou Would You Have Sex with an Arab ?, 2011, qui précédait M, 2019. Un parcours transgressif au-delà des cultures comme le confirmait la cinéaste française en défendant Classified People : « Ce qui me touchait le plus, c’étaient les frontières, ce qui s’y passait ».
Elle nous rapproche de Robert et Doris, un couple de Sud-africains âgés et unis. Robert, né de mère allemande et de père noir, est étiqueté métis quand il intègre une brigade de gens de couleur pendant la première Guerre Mondiale. Le jugement du tribunal administratif le relègue ainsi en marge alors que sa femme et ses enfants sont classés Blancs. Tous le rejettent, refusant de l’accueillir, tandis que Robert rencontre Doris, une femme noire qu’il épouse et avec qui il vit depuis 25 ans au moment du film. Leur histoire, leur amour, leurs rires, leur lutte pour résister à la haine entretenue par l’apartheid, s’impose au quotidien devant la caméra de Yolande Zauberman. En contrepoint, un personnage raciste, éméché, justifie la loi en vigueur jusqu’au délire surréaliste.
La réalisatrice s’est immergée en Afrique du Sud pendant plus de trois mois pour tourner un projet sur les Blancs puis elle s’est intéressée à une famille plusieurs fois déclassée pour questionner son statut. Le sujet est basé sur un script précis mais l’équipe est dénoncée et le film compromis. Yolande Zauberman se rapproche alors de Robert et Doris, « des gens que je voyais tous les jours, auxquels j’étais très liée », confie-t-elle. « On était clandestins, on n’avait pas le droit de filmer. Je ne voulais pas que ça se voit à l’écran. » Avec son équipe sud-africaine, elle organise un tournage rapide et léger sur quelques jours : » La confiance, l’intimité qui existait hors-cadre a permis des tas de choses ».