Entretien d’Olivier Barlet avec Mame-Fatou Niang et Kaytie Nielsen à propos de Mariannes noires. Film sur le vécu des femmes noires en France, Mariannes noires a été projeté au festival des cinémas d’Afrique du pays d’Apt, en novembre 2017. Mame-Fatou Niang et Kaytie Nielsen participaient en outre à une table-ronde sur le thème « décoloniser les imaginaires » dont la transcription est en cours.
Olivier Barlet : Comment en êtes-vous venues à faire ce film et pourquoi à deux mains ?
Mame-Fatou Niang : Cela fait plusieurs années que je travaille sur les questions de la représentation de l’altérité et le vécu en contexte minoritaire et au statut d’étranger ou d’être perçu comme étranger, et que je voulais les transcrire au cinéma pour les faire partager à un public plus large. Kaytie était une de mes étudiantes et je l’ai rencontrée quand elle avait 18 ans. Nous avons cheminé ensemble durant quatre ans et avons décidé d’unir nos forces. Kaytie maîtrise le cinéma et moi j’ai écrit ma thèse sur ces questions : relation au cheveu, au corps, à la citoyenneté, au pays quitté par les parents, au pays d’accueil.
Olivier Barlet : Est-ce que vous sépariez les rôles ou bien avez-vous travaillé conjointement ?
Kaytie Nielsen : Nous sommes devenues des amies et n’avons pas une grande différence d’âge. Au départ, Mame est devenue pour moi un mentor à l’université. En fait, je suis Cherokee, identifiée comme blanche et faire ce film autant que suivre les cours de Mame-Fatou était aussi un moyen de mettre en perspective cette experience ! Durant le projet, ce fut un apprentissage et ce n’est pas fini. Nous nous sommes affrontées sur nos visions de l’esthétique. Je suis de ce point de vue très américaine et Mame est marquée par l’esthétique française. Mais c’était très intéressant et cela nous a poussées à chercher un meilleur mode de représentation. Nous avons trouvé un compromis.
Mame-Fatou Niang : Le film était pour Kaytie son mémoire de maîtrise et j’étais son professeur. Je devais justifier auprès de l’université de cette situation. Les femmes du film composent une mosaïque qui fait partie de ma vie et de mes proches : c’est surtout là où se nichait la difficulté « institutionnelle ». Quand je regardais La Squale ou Fatou la Malienne, ce n’était ni moi ni mes soeurs. Je voulais me voir à l’écran, me mettre en scène moi et mes amies. Avec Kaytie, ce fut très clair : j’avais les idées et elle posait des images dessus. Là où ce fût délicat, c’était sur les images. J’avais une esthétique très française et sans doute vieille école d’être dans les mots. Le fil directeur entre ces discours aurait été la théorie postcoloniale. Kaytie m’a laissé carte blanche sur le discours et le vécu, qui ne correspondait pas au sien de jeune femme américaine blanche. Elle craignait par contre de faire un documentaire aussi parlé. Elle eut l’idée d’amener le personnage d’Iris comme fil conducteur entre les femmes : c’était génial. Cela ne nuit pas au discours mais le renforce.
Olivier Barlet : Iris est effectivement le ciment du film mais c’est aussi un personnage qui évolue. Cela commence par la question du cheveu et va s’élargir à la libération du corps par la danse dans les rues de Paris, jusqu’à l’affirmation de soi en fin de film. Elle agit comme fil narratif qui porte le propos du film.
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