Là où le film précédent de Barry Jenkins, <em>Moonlight</em>, frappait fort avec la reprise d’une pièce quasiment inédite sur l’homosexualité dans le ghetto et les ravages de la drogue et de la prostitution des parents sur les enfants, <em>Si Beale Street pouvait parler</em> reprend un des canons de la littérature noire américaine pour faire découvrir ou redécouvrir à la nouvelle génération un auteur éminemment stimulant dont les raisonnements socio-politiques dépassaient ceux de son temps.
Après <em>Je ne suis pas votre nègre</em>, le documentaire de Raoul Peck qui a fait le tour du monde et qui exposait à base d’enregistrements et d’images d’archives la pensée de James Baldwin concernant le racisme de ses contemporains, voici qu’un de ses romans les plus populaires est adapté au cinéma par pas moins que le lauréat en titre de l’Oscar du meilleur film, Barry Jenkins. Baldwin, auteur moins populaire et moins reconnu que Richard Wright ou Langston Hughes, ses contemporains chroniqueurs de la condition des Noirs, pourrait bien, grâce à ces adaptations cinématographiques, prendre la place qui lui est due.
Jenkins respecte la romance sociale de Baldwin en donnant une voix off, reprise de la narration du roman, à la jeune Tish, innocente et sagace, déterminée et résignée, tel que l’impose la complexité de sa situation rendue par des mots simples et directs. Si l’intrigue se déroule en 1974, le délit de faciès et la difficulté systémique d’accéder à la justice pour les Noir.e.s et les pauvres reste cruellement d’actualité. Un jeune homme prometteur, artiste sculpteur, digne, mué par un amour pur pour son amie d’enfance, se retrouve accusé d’un viol qu’il n’a pas commis.