Pas d’Or pour Kalsaka ou le cinéma action
Fespaco à Bobo, 7-10 mars 2019
En compétition officielle dans la catégorie des longs métrages documentaires, Pas d’Or pour Kalsaka du réalisateur burkinabè Michel K. Zongo (Espoir Voyage) expose les conséquences sociales et environnementales de l’exploitation d’une mine d’or sur les habitants du village.
Alors que s’enchaînent les témoignages d’anciens mineurs soucieux des conséquences de l’occupation des chasseurs de mines, notamment la qualité de l’eau en provenance des puits, trois cavaliers galopant sur leur chevaux surgissent entre les séquences du film laissant poussière et vent sur leur passage. Une sorte de westerns modernes qui raflent tout sur leur passage sans regarder derrière avec une violence semblable à celle des colons circulant en 4×4 ou des investisseurs étrangers débarquant en bulldozer. Un dispositif que l’auteur choisit de façon délibérée en faisant référence à une période coloniale, finalement pas si lointaine.
David contre Goliath
Comme dans La sirène de Faso Fani (2015) où l’auteur laisse la parole aux anciens employés de l’usine de textile à Koudougou en ne laissant place à aucune contrepartie, il va ici se porter uniquement du côté des habitants survivants de ce pillage : « Il n’y a pas lieu d’avoir de partie pris dans de cas comme celui-ci où vous avez des villageois désarmés face à une multinationale anglaise dérobant 18.000 tonnes d’Or », se défend-il.
Loin de présenter un tableau de victimisation des villageois dépouillés de leur terre et de leurs droits, Pas d’Or pour Kalsaka est une véritable dénonciation, une alerte sur les effets de cette eau souterraine dont les risques de contamination pourraient avoir des conséquences à une échelle plus vaste dans une vingtaine d’années tout au plus si rien n’est fait pour y remédier. L’œuvre s’inscrit ainsi dans un cinéma action avec l’espoir de faire bouger les choses notamment par l’intervention du Maire comme démontré dans le film. Davantage d’analyses de puits sont d’ores et déjà prévues dans la région…
« Tu es blanc, mais tu n’es pas honnête »
Et pourtant, le phénomène est encore peu connu des Burkinabè malgré les grondements qui se font entendre au sein de ce village de 3000 habitants. Amené sur ce sujet suite à un rapport d’étude d’une ONG publié par la presse qui relevait le caractère abusif de l’exploitation de l’or tirant ainsi un bilan négatif, Michel Zongo décide de porter l’histoire à l’écran.
Au premier contact, les habitants de Kalsaka sont plutôt méfiants. Héritage colonial oblige, ils associent tout homme africain instruit qui parle un français courant aux Blancs. Il va falloir trois années de démarches pour finalement gagner leur confiance. Ces mêmes ainés qui avaient accordé leur confiance absolue à l’envahisseur qui venait alors en « ami ». Aujourd’hui, l’un deux dit que si il avait l’occasion de se retrouver face à l’un des représentants de cette multinationale, il lui dirait : « Tu es blanc, mais tu n’es pas honnête », demeurant encore dans l’idée reçue selon laquelle l’homme blanc est bon par défaut, honnête, salvateur comme on pourrait l’imaginer débarquant dans un village en costume de l’époque. Une réflexion naïve, qui persiste encore à ce jour dans l’esprit des aînés et pas seulement des villageois mais aussi dans celui de la génération des dirigeants actuels issus de la même époque et qui partagent la même mentalité, à la différence qu’ils ont été éduqués dans des écoles européennes. Mais à l’issue de cet apprentissage « ils ont pu goûter au vin, au caviar et au fromage et ramener le verbe sans pour autant pouvoir le conjuguer ».
Par Djia Mambu
Bobo-Dioulasso, mars 2019
Trackbacks/Pingbacks