La menace extrémiste au cœur des cinématographies tunisiennes

Dans une Tunisie où l’ombre du radicalisme pèse à travers des tentatives d’attentats par-ci et là, les Journées Cinématographiques de Carthage, manifestation culturelle importante pour les cinémas d’Afrique et Arabes, résistent face à la menace terroriste et ce autant dans la tenue de l’événement que dans le contenu des films tunisiens sélectionnés. Retour sur un festival en résistance.

À peine quelques jours avant l’ouverture d’un des plus grands festivals de films sur le continent africain, une femme se fait exploser en plein centre ville de la capitale Tunis. La direction des JCC rassure la presse et le public que cet événement n’aura pas de conséquences sur la tenue de la manifestation si ce n’est le renforcement de la sécurité autour de l’avenue Bourguiba qui abrite plusieurs endroits clés tels que l’hôtel Africa, quartier général du festival, le Colisée, salle de cinéma où sont notamment projetés les films de longs métrages fictions en compétition. Et selon le directeur général Nejib Ayed qui occupe cette fonction pour la deuxième année consécutive, aucun invité n’a décliné l’invitation.

Fatwa de Mahmoud ben Mahmoud – Tanit d’Or du long métrage fiction

Si les Tunisien.ne.s ont choisi de ne pas accorder de l’importance à la menace extrémiste qui s’est accentuée davantage après la chute du régime Ben Ali en 2012, les cinéastes eux questionnent et interpellent à travers leur caméra.
Fatwa de Mahmoud ben Mahmoud – Tanit d’Or de la sélection long métrage fiction de cette édition 2018 – suit un père de retour au pays suite à la perte de son fils, disparu dans des conditions mystérieuses au sein des groupes extrémistes auprès desquels ils s’est intégrés.

Weldi de Mohamed Ben Attia – présenté en première mondiale à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes en mai – raconte un couple de classe moyenne en milieu urbain inquiet quant au changement de comportement de leur fils unique. Alors qu’ils attribuent cette attitude à l’approche des examens, le cher enfant disparaît soudainement pour la Syrie.

Brotherhood de Meryem Joobeur – Tanit d’Or du court métrage fiction

Enfin, Brotherhood de Meryem Joobeur – Tanit d’Or pour la catégorie court métrage fiction – s’insère dans le microcosme d’une famille qui vit en milieu rural qui voit son fils aîné rentrer à la maison après un séjour en Syrie. Cette tentative de réconciliation familiale se déroule dans le Nord-Ouest du pays à une centaine de kilomètres de Tunis, une région assez pauvre où on enregistre un taux particulièrement élevé de départ des jeunes en Syrie et autres pays ou opère l’organisation EI.
Dans tous les cas de figures que présentent ces films, les parents semblent désemparés face à ce fléau qui touche leur société dans la réalité.
En effet, La Tunisie enregistre en effet le taux le plus élevé des combattants étrangers. Bien que réputée comme étant l’un des pays musulmans les plus tolérants, la société tunisienne s’est aussi radicalisée depuis quelques années. Plus de femmes portent le voile, les jeunes rebelles joignent les mouvements radicaux en nombre.

À travers leur œuvre, ces créateurs et créatrices d’images posent les problématiques essentielles et se posent les questions : la société parviendra-elle à surmonter cette impasse? Les familles vont-elles réintégrer leurs fils et filles au sein du cercle familial? Les cinématographies tunisiennes nous le diront les prochaines années.

Author: Djia Mambu

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