Angèle Diabang: La direction d’acteurs est un régal!
En attendant de produire Une Si Longue Lettre, son projet de long métrage fiction adapté du roman éponyme de l’écrivaine pionnière sénégalaise Mariama Bâ, la réalisatrice Angèle Assie Diabang pénètre dans l’univers fictionnel par la réalisation de deux courts métrages.
Plus connue pour ses documentaires tantôt intimiste (Yande Codou, La Griotte de Senghor, 2008) tantôt humaniste (Congo, Un Médecin pour Sauver Les Femmes, 2014), ou encore pour ses productions internationales via sa société Karonika (Rumeurs du Lac, Examen d’Etat, Le Rite La Folle et Moi), Angèle Diabang caresse le projet d’une ficiton depuis plusieurs années. En effet, ses deux récents courts métrage Ma Coépouse Bien Aimée (en première au festival de Clermont-Ferrand), et Un Air de Kora, poulain de bronze au dernier Fespaco où elle y recevra également le prix spécial de la cinéaste de la CEDEAO, sont des projets qui ont vu le jour après celui d’Une Si longue Lettre, en préparation depuis 2013.
“En general, quand on montre des coépouses, elles sont entrain de se battre, de se quereller… Je voulais cette fois qu’on écoute ces femmes”
Deux femmes coépouses se retrouvent seules dans la maison alors que leur mari est au travail et les enfants sont à l’ecole. Elles n’ont aucune envie de se parler, et le scénario du film ne laissera pas de place au diaologue mais plutôt à la pensée respective des deux femmes.
“J’ai voulu adopter ce mode parce que je trouve que dans la majorité des films ou téléfilms sénégalais en général, quand on montre des coépouses, elles sont entrain de se battre, de se quereller, de se balancer des choses, explique Angèle Diabang, “Et avec ce côté théâtral, voire comique, on a tendance à oublier que ce n’est pas une situation agréable ou confortable, et que ces femmes peuvent en souffrir, et même l’homme aussi parfois. Je voulais cette fois qu’on écoute ces femmes et leur situation de détresse”. Ces cris d´intérieur, la réalisatrice les a écrits sur base de témoignages spontanés de femmes qui se confient à elle alors qu’elle prépare Une Si Longue Lettre (dont l’histoire est celle d’une coépouse veuve qui raconte son expérience polygame à sa meilleure amie).
Plus particulier, Un Air de Kora (photographie de Amath Niane) relate une histoire d’amour impossible entre un jeune moîne catholique et une musulmane voilée dont même la rencontre, qu’on ne voit d’ailleurs pas, est improbable. Mais malgré cela, et grâce à l’instrument de Kora pour lequel ils sont tous deux passionnés, ils parviennent à vivre quelque chose, ou pas.
Même si chacun des films présentent une démarche différente, dans laquelle l’auteure cherche ses premiers pas dans la fiction, une place importante est dédiée à l’expression et se dégage dans les deux oeuvres, notamment par le fait qu’elles ont peu ou pas de dialogues : »J’accorde beaucoup d’importance à l’interprétation avec profondeur dans le but de faire ressentir ce que le personage dégage. La direction d’acteurs est un régal, car c’est faire entrer son acteur ou son actrice dans son personnage mais en même temps veiller à ce qu’il demeure sensible et intense ». Peut-être une touche que l’on pourrait retrouver dans le long métrage tant attendu.
Djia Mambu
La Palma, avril 2019